
#Article 1. 5. T.O.C. : une méta-analyse des études publiées depuis 30 ans (2024)
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Wang, Y., Miguel, C., Ciharova, M., Amarnath, A., Lin, J., Zhao, R., … Cuijpers, P. (2024). The effectiveness of psychological treatments for obsessive-compulsive disorders: a meta-analysis of randomized controlled trials published over last 30 years. Psychological Medicine, 1–14. doi:10.1017/S0033291724001375
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Pim Cuijpers a participé à cette étude et est un professeur néerlandais de psychologie clinique. Il est également directeur du centre collaborateur de l’OMS pour la recherche et la diffusion des interventions psychologiques à Amsterdam. Il est spécalisé dans la conduite d’essais contrôlés randomisés et de méta-analyses sur la prévention et les traitements psychologiques des troubles psychologiques courants tout au long de la vie. Une grande partie de son travail porte sur la prévention des troubles psychologiques, les traitements psychologiques de la dépression et des troubles anxieux et les traitements délivrés par internet (1).
De nombreuses études ont examiné les effets des traitements psychologiques pour le trouble obsessionnel et compulsif (TOC), malgré cela leur efficacité reste incertaine. Wang et al. (2024) ont cherché à estimer leur effet global en regroupant tous les essais contrôlés randomisés (ECR) disponibles depuis 30 ans, en comparant les traitements psychologiques à des groupes témoins. A noter, ne sera abordé que les grandes lignes de l’article de Wang et al. (2024), certains passages ne sont même pas cités ni même relevés. Je vous renvoie à la lecture de ce dernier afin d’avoir une vue d’ensemble et précise du propos des chercheurs.
Les points clefs :
-Wang et al. (2024) ont synthétisé le plus grand nombre d’Essais Contrôlés Randomisés (ECR) à ce jour mené sur l’efficacité des psychothérapies validées pour le TOC leur permettant de fournir une compréhension relativement complète de l’efficacité globale des traitements psychologiques.
-aprés avoir comparé les groupes témoins et les traitements psychologiques Wang et al. (2024) ont constaté que les traitements psychologiques ont réduit de manière significative la gravité des symptômes du TOC après le traitement.
-le type de traitement, le groupe contrôle utilisé, le format du traitement et la gravité initiale des symptômes du TOC peuvent influencer les effets du traitement.
-l’Exposition avec Prévention de la Réponse (ERP) a montré l’effet le plus important pour la réduction des manifestations du TOC.
-les résultats sont à tempérer, car la majorité des études ont utilisé la liste d’attente comme groupe témoin ce qui est associé à une surestimation de l’effet du traitement. La présence de biais importants (45 sur 48 des ECR présentaient des biais élevés) ainsi que la grande hétérogénéité des études incluses amènent une certaine incertitude et réduit la validité des résultats.
Introduction
Wang et a. (2024) rappellent que le Trouble Obsessionnel Compulsif (TOC) est un trouble chronique invalidant avec une prévalence au cours de la vie estimée entre 1 et 3 % (proportion de personnes atteintes d’un trouble donné au cours de leur vie). Le traitement recommandé par la communauté scientifique internationale et des organismes de santé (2, 3, 4, 5, 6 et 7) dans la prise en charge du TOC est la prévention de l’exposition et de la réponse (ERP) (élément central de la thérapie cognitive et comportementale (TCC). D’autres psychothérapies avec des données probantes ont été étudiées pour réduire la gravité des symptômes des TOC : la thérapie cognitive, la TCC de 3ème vague (MBCT, ACT).
Selon Wang et al. (2024) des méta-analyses ont été effectuées pour examiner l’efficacité d’approches thérapeutiques spécifiques telles que la TCC, l’ERP et la MBCT par exemple. Cependant elles présentent des limites impactant la portée des résultats : une 1ere méta-analyse de 19 études en 2008 a trouvé des effets similaires entre l’ERP, la thérapie cognitive et l’ERP + la thérapie cognitive mais cette méta-analyse a synthétisé des données publiées entre 1980 et 2006, données qui devaient être mises à jour. En 2015, une méta-analyse a inclus 37 essais contrôlés randomisés menés entre 1993 et 2014 afin d’étudier l’efficacité de la TCC, de l’ERP et de la TCC + ERP sur la gravité des symptômes du TOC. Toutefois les conditions inhérentes aux études inclues rendent délicate l’interprétation des données (traitements actifs et non actifs comparés, échelles utilisées, modalités de traitement en groupe, familial ou individuel). «En outre, la pratique courante consistant à inclure dans les méta-analyses des études publiées en anglais pourrait conduire à omettre des études potentiellement importantes publiées dans des langues autres que l’anglais, qui pourraient contribuer de manière significative à la base de connaissances existante » (Wang et al., 2024).
Wang et al. (2024), ont réalisé une nouvelle méta-analyse afin d’actualiser les connaissances, de pallier aux limitations précédentes et de tester leur hypothèse (les traitements psychologiques réduiraient de manière significative la sévérité des symptômes du TOC par rapport aux groupes contrôles). De ce fait ils ont inclus «des recherches approfondies afin d’inclure des ECR récents comparant des traitements psychologiques à des groupes de contrôle ; ensuite, [ils ont] pris en compte tous les traitements psychologiques disponibles et les résultats mesurant la gravité des symptômes du TOC ; enfin, en plus des bases de données internationales largement utilisées, nous avons également inclus des bases de données bibliographiques chinoises, la Chine étant le deuxième pays le plus peuplé d’Asie et du monde, avec un nombre substantiel de personnes souffrant de TOC, leurs travaux pourraient ne pas être accessibles dans les bases de données internationales en raison de barrières linguistiques. En englobant tous les ECR pertinents, nous avons cherché à obtenir une compréhension globale de l’efficacité des traitements psychologiques des TOC par rapport aux groupes de contrôle» (Wang et al., 2024).
Méthodologie
Afin de pouvoir comparer et résumer les études menées sur les TOC, ils ont commencé par effectuer des recherches approfondies dans des bases de données internationales (dont chinoises) depuis le début jusqu’au 1er Janvier 2023,. Les chercheurs ont également consulté les listes de référence de méta-analyses antérieures sur les traitements psychologiques des TOC. Toutes les recherches ont été examinées par 2 chercheurs indépendants.
Les études incluses comprenaient :
-des groupes contrôles composés de liste d’attente, le traitement habituel, le placebo sous forme de pilule et le placebo psychologique.
-les participants ont reçu un diagnostic de TOC, déterminé par des entretiens semi-structurés validés et incluant différentes versions du DSM ou de la CIM.
-la gravité des symptômes du TOC.
Résultats
Les auteurs ont identifié 11 235 enregistrements. Après suppression des doublons 7752 enregistrements ont été sélectionnés sur la base des titres et des résumés. 576 ont été lues en intégralité. Au final, 48 essais contrôlés randomisés ont été retenus.
Ces 48 ECR impliquaient 55 comparaisons entre les traitements psychologiques et les groupes contrôles et comprenaient 2731 patients présentant un TOC. Parmi ces comparaisons 38 portaient sur des adultes, 11 sur des enfants et 6 sur des adolescents. L’âge moyen des participants allait de 6 à 43 ans, dont 52 % de femmes. Sur les 48 ECR, 3 portaient sur les TOC avec des troubles comorbides (abus de substance, TSA et symptômes autistiques). 45 études portaient sur les TOC sans troubles comorbides. 20 comparaisons ont été menées en Amérique de Nord, 10 en Europe, 9 en Australie, 6 au Royaue-Uni, 3 en Iran, 2 au Brésil, 2 en Chine, 2 au Japon et une en Inde.
Les différents types de traitements :
-thérapies cognitives et comportementales (28)
-exposition avec prévention de la réponse (17)
-thérapie cognitive (4)
-TCC de 3eme vague (ACT, MBCT et autres) (3)
-Thérapie par la satiété (1)
-intervention basée sur l’attachement (1)
-intervention mixte comprenant restructuration cognitive et pleine conscience détachée (1)
Les groupes témoins :
-liste d’attente (29)
-placebo psychologique (16)
-traitement habituel (7)
-placebo sous forme de pilule (3)
Les différentes formes de traitement
-forme individuelle en face à face (26)
-forme familiale (11)
-auto-assistance guidée (6)
-forme groupale (4)
-forme intensive en terme de temps (4)
-autres formes (4)
Déroulé des séances
-durée des différents types de traitement entre 2 à 26 semaines
-évaluation post traitement entre 3 à 26 semaines
-évaluations de suivi ont eu lien entre 3 à 13 mois
Outre les différentes caractéristiques, les chercheurs ont évalué le risque de biais présent dans chaque ECR. Au total, 87 % des essais contrôlés randomisés présentaient un risque de biais élevé. Seule 3 études présentaient un faible risque de biais. « Le risque de biais peut être considéré comme les « points faibles » des essais randomisés, où les chercheurs (généralement sans le vouloir) peuvent influencer les résultats de l’étude. Lorsque le risque de biais est élevé, cela signifie que les résultats doivent être considérés avec prudence car ils peuvent ne pas refléter les effets réels d’une intervention » (Cuijpers et al., 2020) (6).
Wang et al. (2024) ont synthétisé le plus grand nombre d’ECR à ce jour mené sur l’efficacité des psychothérapies validées pour le TOC leur permettant de fournir une compréhension relativement complète de l’efficacité globale des traitements psychologiques. Aprés avoir comparé les groupes témoins et les traitements psychologiques Wang et al. (2024) ont constaté que ces derniers ont réduit de manière significative la gravité des symptômes du TOC après le traitement. De plus, ils se sont aperçus que le type de traitement, le groupe contrôle utilisé, le format du traitement et la gravité initiale des symptômes du TOC peuvent influencer les effets du traitement. « En particulier, l’ERP a montré l’effet le plus important, ce qui confirme son statut d’étalon-or dans le traitement du trouble obsessionnel-compulsif. La TCC a fait l’objet de la plus grande attention de la part des chercheurs et a montré une ampleur d’effet comparable à celle de l’ERP, ce qui indique que son utilisation et son efficacité sont largement répandues. Cependant, la thérapie cognitive et la TCC de la troisième vague ont eu des effets plus faibles et non significatifs, ne confirmant pas les études précédentes (…) Bien que notre méta-analyse contienne un plus grand nombre d’ECR et fournisse l’évaluation la plus récente et la plus complète des traitements psychologiques du TOC, les effets de la thérapie cognitive et de la TCC de la troisième vague dans la présente étude doivent être interprétés avec prudence en raison du petit nombre d’études avec de petites tailles simples synthétisées. En outre, cela peut également suggérer que l’effet de la TCC provient principalement de l’ERP, la thérapie cognitive jouant un rôle moindre dans le traitement des TOC, ce qui est conforme à des recherches antérieures » (Wang et al., 2024). Toutefois ces résultats sont à tempérer, car la majorité des études ont utilisé la liste d’attente comme groupe témoin (cad le groupe de patients qui sert de comparaison au groupe recevant les psychothérapies, et qui ne reçoit pas de psychothérapies) ce qui est associé à une surestimation de l’effet du traitement.
« Cependant, il est essentiel de reconnaître que la grande hétérogénéité entre les études et le risque élevé de biais observés dans les ECR inclus ont introduit une incertitude et réduit la validité des résultats. Lorsque l’analyse a été limitée aux études à faible risque de biais, l’effet a perdu sa signification statistique. Bien que le résultat ne soit basé que sur trois études à faible risque de biais, il ajoute une incertitude à la taille de l’effet global, car ces études avaient des conceptions méthodologiques plus rigoureuses et peuvent mieux refléter la véritable estimation de l’effet. Par conséquent, la prudence est de mise lors de l’interprétation des résultats de notre méta-analyse. Pour renforcer la base de données probantes, il est nécessaire de mener des ECR bien conçus avec des procédures de randomisation appropriées, une stricte dissimulation de l’affectation et un rapport complet des résultats. De plus, cette méta-analyse n’incluait que les résultats mesurant la gravité des symptômes du TOC. Les études futures devraient également prendre en compte d’autres résultats secondaires, tels que la qualité de vie, car une réduction de la gravité des symptômes du TOC n’est pas nécessairement corrélée à une amélioration globale de la qualité de vie des personnes atteintes de TOC » (Wang et al., 2024).
En ce qui concerne les résultats des groupes témoins (groupe contrôle), le placebo psychologique a produit l’effet le moins important. La forme de traitement en individuel a été la plus étudiée et a montré un effet important (les psychothérapies en individuel dans un cabinet ou en institution). Les effets des autres formes de traitement (familial, auto-assistance guidée, intensive et autres formes) méritent une analyse prudentd et d’autres études afin de confirmer ou infirmer les résultats précédents. Les effets à long terme des traitements psychologiques pour les TCC nécessitent également de futures études afin de fournir des preuves plus solides.
Conclusion
La méta-analyse de Wang et al. (2024) fournit des preuves de l’efficacité des traitements psychologiques pour atténuer la gravité des symptômes du TOC. Cependant l’hétérogéneité importante entre les ECR ainsi que le risque élevé de biais (seuls 3 ECR sur 48 présentaient un faible risque de biais) appellent à une prudence quant à l’interprétation des résultats. L’exposition avec prévention de la réponse serait le traitement le plus efficace.
Sources
1. Pim Cuijpers (2021). Accueil blog. https://www.pimcuijpers.com/blog/about/
2. Wang, Y., Miguel, C., Ciharova, M., Amarnath, A., Lin, J., Zhao, R., … Cuijpers, P. (2024). The effectiveness of psychological treatments for obsessive-compulsive disorders: a meta-analysis of randomized controlled trials published over last 30 years. Psychological Medicine, 1–14. doi:10.1017/S0033291724001375
3. NICE (2005). Obsessive-compulsive disorder and body dysmorphic disorder: treatment. National Institute for Health and Care Excellence https://www.nice.org.uk/guidance/cg31/chapter/Finding-more-information-and-committee-details
4. NIH (2024). Obsessive-Compulsive Disorder. National Institute of Mental Health. https://www.nimh.nih.gov/health/topics/obsessive-compulsive-disorder-ocd
5. OMS (2023). Obsessive-Compulsive Disorder. Organisation mondiale de la santé. https://applications.emro.who.int/docs/WHOEMMNH232E-eng.pdf?ua=1
6. Gesund.bund.de (2022). Obsessive-Compulsive Disorder. https://gesund.bund.de/en/obsessive-compulsive-disorder
7. Katzman, M.A., Bleau, P., Blier, P. et al. Canadian clinical practice guidelines for the management of anxiety, posttraumatic stress and obsessive-compulsive disorders. BMC Psychiatry 14 (Suppl 1), S1 (2014). https://doi.org/10.1186/1471-244X-14-S1-S1
8. Cuijpers, P., Veen, S. C. van, Sijbrandij, M., Yoder, W., & Cristea, I. A. (2020). Eye movement desensitization and reprocessing for mental health problems: a systematic review and meta-analysis. Cognitive Behaviour Therapy, 49(3), 165–180. https://doi.org/10.1080/16506073.2019.1703801