#Article 1.3. EMDR, revue systématique et méta-analytique de 2020
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Cuijpers, P., Veen, S. C. van, Sijbrandij, M., Yoder, W., & Cristea, I. A. (2020). Eye movement desensitization and reprocessing for mental health problems: a systematic review and meta-analysis. Cognitive Behaviour Therapy, 49(3), 165–180. https://doi.org/10.1080/16506073.2019.1703801
Cuijpers Pim, auteur principal de l’étude, est professeur émérite de psychologie clinique. Il est spécialisé dans la conduite d’essais contrôlés randomisés et de méta-analyses sur la prévention et les traitements psychologiques des troubles psychologiques courants tout au long de la vie. Une grande partie de son travail porte sur les traitements psychologiques de la dépression et des troubles anxieux (1). J’ai trouvé intéressant et pertinent de vous proposer un résumé d’une étude menée par Cuijpers et son équipe en 2020 pour faire un état de la littérature sur l’efficacité de l’EMDR dans le cadre du TSPT et d’autres troubles psychologiques à la date de l’étude. A noter, ne sera abordé que les grandes lignes de l’article de Cuijpers et al. (2020), certains passages ne sont même pas cités ni même relevés. Je vous renvoie à la lecture de ce dernier afin d’avoir une vue d’ensemble et précise du propos des chercheurs.
Résumé de l’article
« Il n’existe pas de méta-analyse complète des essais randomisés examinant les effets de la désensibilisation et du retraitement par les mouvements oculaires (EMDR) sur le syndrome de stress post-traumatique (SSPT), ni d’étude systématique des effets de l’EMDR sur d’autres problèmes de santé mentale. Nous avons procédé à un examen systématique et à une méta-analyse de 76 essais. La plupart des essais ont examiné les effets sur le syndrome de stress post-traumatique (62 %). L’ampleur de l’effet de l’EMDR par rapport aux conditions de contrôle était de g = 0,93 (IC à 95 % : 0,67- 0,18), avec une forte hétérogénéité (I2= 72 %). Seules quatre études sur 27 présentaient un faible risque de biais, et il y avait des indications de biais de publication. L’EMDR était plus efficace que les autres thérapies (g = 0,36 ; IC à 95 % : 0,14-0,57), mais pas dans les études présentant un faible risque de biais. Des résultats significatifs ont également été trouvés pour l’EMDR dans les phobies et l’anxiété liée aux tests, mais le nombre d’études était faible et le risque de biais élevé. L’EMDR a été examiné pour plusieurs autres problèmes de santé mentale, mais pour aucun de ces problèmes, il n’y avait suffisamment d’études disponibles pour regrouper les résultats. L’EMDR pourrait être efficace dans le traitement du syndrome de stress post-traumatique à court terme, mais la qualité des études est trop faible pour en tirer des conclusions définitives. Il n’y a pas assez de preuves pour conseiller son utilisation dans d’autres problèmes de santé mentale » (Cuijpers et al., 2020).
L’EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing) a été mis au point par Francine Shapiro à la fin des années 80 afin de prendre en charge psychologiquement le trouble du stress post traumatique (TSPT). Cette technique repose sur l’observation que l’intensité des souvenirs traumatiques peut être réduite par des mouvements oculaires. Cependant Cuijpers et al. (2020) indiquent que les mécanismes exacts par lesquels l’EMDR fonctionnent ne sont pas encore clairs et font l’objet d’un débat animé et d’une controverse depuis de nombreuses années. ils décrivent brièvement les 2 modèles explicatifs des mécanismes qui auraient reçu le plus d’attention et de soutien de la part des chercheurs.
L’EMDR a vu son utilisation dépassée le cadre de la prise en charge psychologique du trouble de stress post traumatique et a été justifiée par le fait que « les souvenirs traumatiques, les situations stressantes actuelles et les difficultés futures jouent un rôle important dans ces troubles » (Cuijpers et al., 2020). Son efficacité a été examinée dans de nombreux essais randomisés, et plusieurs méta-analyses ont indiqué qu’il s’agissait d’un traitement efficace pour le TSPT et avec des effets comparables à ceux des TCC (Cuijpers et al., 2020). Le NICE et l’OMS l’ont inclus parmi les psychothérapies fondées sur les preuves.
Cependant jusqu’à la parution de cette présente étude, « toutes les méta-analyses sur l’EMDR n’ont inclus qu’un nombre limité d’essais. Cela peut s’expliquer par le fait qu’un nombre considérable d’essais n’ont pas été identifiés lors des recherches, que des critères d’inclusion limités ont été utilisés ou que les essais non inclus n’ont été publiés que récemment. Une méta-analyse complète et actualisée de l’EMDR pour le SSPT est donc nécessaire. En outre, l’EMDR n’a pas seulement été étudié pour le SSPT, mais aussi pour de nombreux autres problèmes de santé mentale, notamment les troubles anxieux, tels que les phobies spécifiques, le trouble panique et le trouble d’anxiété sociale, la douleur chronique, les troubles liés à l’utilisation de substances, la schizophrénie et l’anxiété liée aux tests. Aucune méta-analyse antérieure ne s’est concentrée sur les essais d’EMDR pour ces problèmes de santé mentale » (Cuijpers et al., 2020).
Cuijpers et son équipe ont donc voulu réaliser une revue systématique complète et une méta-analyse de l’EMDR pour tout problématique de troubles psychologiques dans tous les groupes d’âge. Ils ont interrogé 5 bases de données bibliographiques et inclus les essais randomisés dans lesquels l’EMDR était comparé à une condition de contrôle ou tout autre traitement alternatif dans la prise en charge de dépression, d’anxiété, d’abus de substance, de TSPT mais sans s’y limiter, pour tous les groupes d’âge. Après avoir examiné 524 résumés d’études, Cuijpers et al. (2020) ont récupéré 211 articles en texte intégral. Parmi ces 211 articles, 77 répondaient à leurs critères d’inclusion.
Ces 77 études comprenaient 3309 patients (1 447 dans les conditions EMDR, 926 dans les conditions de contrôle (liste d’attente, traitement habituel, relaxation etc.), 711 dans les autres conditions de psychothérapie (TCC), 169 dans les conditions de démantèlement ( comparaison entre EMDR complet vs EMDR partiel, cad qu’une composante de l’EMDR a été supprimée (mouvement oculaire)) et 56 dans les conditions de pharmacothérapie. 48 études portaient sur les symptômes du TSPT, 17 sur l’anxiété, 3 sur la dépression et 9 autres sur d’autres problèmes de santé. Les chercheurs ont évalué les biais présents dans les études ainsi que l’allégeance des auteurs.
Les résultats concernant les études portant sur des patients présentant un TSPT indiquent que l’EMDR a un effet important par rapport aux conditions contrôles à court terme (pour la plupart des études des effets à 3 mois). Cependant ces résultats positifs sont tempérés par le fait que seule une petite minorité des études incluses présentent un faible risque de biais (4 études sur 77). « Le risque de biais peut être considéré comme les « points faibles » des essais randomisés, où les chercheurs (généralement sans le vouloir) peuvent influencer les résultats de l’étude. Lorsque le risque de biais est élevé, cela signifie que les résultats doivent être considérés avec prudence car ils peuvent ne pas refléter les effets réels d’une intervention. Dans le cas présent, presque toutes les études présentaient un certain risque de biais, ce qui signifie que nous ne pouvons pas être certains des résultats » (Cuijpers et al., 2020).
L’EMDR s’est avérée plus efficace que les TCC ou les expositions prolongées dans le traitement du TSPT. Toutefois, là encore les résultats ne sont pas révélateurs du fait de la présence de biais et d’allégeance des chercheurs « peu d’études présentaient un faible risque de biais. En outre, les études présentant un faible risque de biais n’ont pas mis en évidence de différence significative entre l’EMDR et les autres thérapies. La différence entre les études présentant un faible risque de biais et celles présentant au moins un certain risque de biais était significative et nous avons trouvé des indications considérables sur l’allégeance des chercheurs. Comme les études présentant un faible risque de biais n’ont pas trouvé de différence entre l’EMDR et d’autres thérapies, nous concluons qu’il n’y a pas assez de preuves pour se prononcer sur les effets comparatifs de l’EMDR » (Cuijpers et al., 2020).
Cuijpers et al. (2020) ont trouvé un nombre important d’études examinant les effets de l’EMDR sur d’autres problématiques psychologiques, telles que l’anxiété. Cependant ces études portaient sur différents types de troubles anxieux, quand certaines comparaient l’EMDR à une condition contrôle, tandis que d’autres le comparaient à un autre traitement rendant difficile l’interprétation des résultats au vu du petit nombre d’étude pour chaque trouble anxieux et chaque conditions de comparaisons. « Il en résulte un petit nombre d’études pour chaque trouble et chaque comparateur. Nous avons constaté que l’EMDR était efficace dans le traitement des phobies et de l’anxiété de performance. Aucune des autres catégories de troubles anxieux et de comparateurs n’a fait l’objet d’un nombre suffisant d’études pour permettre de calculer des tailles d’effet groupées. En outre, pratiquement aucune des études ne présentait un faible risque de biais, ce qui témoigne de l’incertitude considérable de ces résultats » (Cuijpers et al., 2020).
Pour ce qui de l’efficacité de l’EMDR pour la prise en charge de la dépression, des troubles alimentaires, de l’addiction à l’alcool, la douleur, la schizophrénie, les TOC, les troubles bipolaires, les trouble des conduites le nombre d’études disponibles n’était pas suffisant pour permettre une conclusion. « Toutefois, le nombre d’études disponibles n’était pas suffisant pour permettre une mise en commun des résultats dans l’une ou l’autre de ces catégories. Bien que certaines de ces études aient indiqué des effets significatifs, le risque de biais était considérable (une seule étude présentait un faible risque de biais). Dans l’ensemble, nous concluons qu’il n’y a pas suffisamment de preuves de l’utilisation de l’EMDR pour les problèmes de santé mentale autres que le syndrome de stress post-traumatique » (Cuijpers et al., 2020).
Cuijpers et al. (2020) rappellent que malgré l’utilisation des normes en vigueur concernant les méta-analyses, les résultats sont dépendants de la qualité des études qui la composent, et il est nécessaire de garder en tête les limites présentent dans cette dernière. « Les résultats d’une méta-analyse ne peuvent jamais être meilleurs que l’ensemble des études sélectionnées. Il s’agit clairement d’un problème dans le cas présent, car les études incluses présentaient plusieurs limites. Nous avons déjà mentionné le petit nombre d’études présentant un faible risque de biais, l’hétérogénéité élevée dans la plupart des comparaisons et le manque d’études examinant les effets à long terme. Le risque d’une communication sélective des résultats et le petit nombre d’essais enregistrés étaient particulièrement frappants. Un autre problème est que la plupart des essais avaient des échantillons de petite taille, plusieurs d’entre eux comptant moins de 10 participants dans chaque condition. Les recherches futures devraient se concentrer sur des essais randomisés de haute qualité, suffisamment puissants et portant sur des effets à long terme. Sans de telles études, les effets de l’EMDR resteront aussi incertains qu’ils le sont aujourd’hui« .
En guise de conclusion, Cuijpers et al. (2020) indiquent que malgré ces limites, les résultats de cette méta-analyse leur permettent de conclure que l’EMDR peut être efficace dans le traitement du TSPT à court terme et « avoir des effets comparables à ceux d’autres traitements. Cependant, la qualité des études est trop faible pour tirer des conclusions définitives. En outre, il est évident que les effets à long terme de l’EMDR ne sont pas clairs et qu’il n’y a certainement pas assez de preuves pour conseiller son utilisation chez les patients souffrant de problèmes de santé mentale autres que l’TSPT ».
Il serait intéressant maintenant d’avoir une mise à jour de cette méta-analyse pour voir si les résultats ont évolué…ou pas.
Sources:
1. Pim Cuijpers (2021). Accueil blog. https://www.pimcuijpers.com/blog/about/